La commission européenne a annoncé vouloir assigner la France devant la cour de justice de l’Union Européenne (CJUE).
Que lui reproche-t-on ? Une « discrimination dans le domaine de la fiscalité s’appliquant à des logements neufs ». Notre pays aurait-il commis un acte immoral, une atteinte aux droits de l’Homme ? Pas dans ce contexte en tout cas ; on parle ici de politique de logement.
Depuis des années, il est vrai, les gouvernements successifs français soutiennent tant bien que mal le secteur affaibli de la construction. Ils encouragent leurs compatriotes désireux d’investir dans la pierre, à la choisir neuve, et si possible sociale, en échange d’avantages fiscaux. Les dispositifs Périssol, Robien, Borloo, permettaient en effet de déduire des revenus fonciers une partie du coût de l’investissement locatif.
C’est justement ce que critique Bruxelles : ces mécanismes d’amortissement accéléré seraient contraires à la libre circulation des capitaux et au principe de marché unique. Certes, on est moins tenté d’acheter ailleurs un bien que l’on paiera moins cher chez soi… quoique. Ne voit-on pas actuellement certains Français, comme d’autres européens, profiter de la chute des prix immobiliers espagnols ? Indépendamment des incitations à acheter neuf et dans leur pays, ils placent leurs économies dans une résidence secondaire au soleil.
On peut surtout s’interroger sur l’utilité d’une telle saisine, les dispositifs incriminés n’étant plus appliqués. Le contentieux traîne en effet depuis 2009, suite à la plainte d’un particulier. Une première alerte de Bruxelles en 2011 n’avait produit aucun effet. L’Europe fronce à nouveau les sourcils et montre du doigt les anciens dispositifs de défiscalisation. Le Scellier, tout juste instauré à l’époque et le dispositif en vigueur Duflot ne sont pas intégrés à la procédure d’infraction car ils « reposent sur un mécanisme différent ».
Rappelons, d’un point de vue purement chauvin, que ce type d’incitation fiscale était décrié par les différents candidats aux élections présidentielles. Toutefois, le nouveau gouvernement a dû se rendre à l’évidence : la production de logements neufs ne peut avancer sans la béquille que représente le financement des investisseurs privés.
Le soutien actuel, surnommé Duflot1, a préservé l’essentiel mais le besoin en logements est toujours aussi pressant2.
Alors de grâce, messieurs et mesdames les commissaires, serait-il possible de laisser le logement français claudiquer tranquillement encore quelques années ? Il a besoin de se refaire une santé…
1 - Depuis janvier 2013, le dispositif Duflot propose, pour l’achat d’un logement neuf à louer, une réduction d’impôts répartie sur 9 ans, équivalant à 18 % du prix d’acquisition.
2 - Le nombre de logements construits en 2013 ne devrait pas dépasser la barre des 250 000 (estimation UNPI), alors que le gouvernement vise une production de 500 000 par an.