La loi Alur devait révolutionner le secteur du Logement. Elle a provoqué la jacquerie des professions concernées. Elle instaure entre autres l’encadrement des loyers dans les principales villes de la métropole. Finalement, seule Paris l'appliquera à compter du 1er août. Est-ce le signe de son extinction programmée ou au contraire le démarrage d’un vaste dispositif ?
« Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d’encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou de la relocation » avait dit le candidat Hollande. C’était le 22e de ses 60 engagements.
Avant cela ? Avant, il y eut la tentative de Benoist Apparu, alors ministre du Logement. En 2012, il réagit aux loyers pratiqués pour certaines micro surfaces et instaure une taxe au-delà d’un montant de 41,61 € par m². Seul problème : c’est au propriétaire de se déclarer, et une grande majorité oublie de faire la démarche.
Pour tenir la promesse du nouveau président, la première étape fut la mise en place d’un décret renouvelé chaque année. Dans les agglomérations où le marché locatif est tendu, les propriétaires se basent désormais sur l’indice IRL pour réévaluer leur loyer.
Puis la loi Alur du 24 mars 2014 fit couler beaucoup d’encre. Elle mettait en place, entre autres, ce plafonnement des loyers tant annoncé et encore plus critiqué. Quinze mois plus tard, le décret du 10 juin 2015 fixe les conditions d’application à Paris Intra-muros.
Pourquoi 15 mois ? Il a fallu que deux commissions, créées par cette même loi Alur, s’organisent et valident le texte. Entre temps, la saga s’est enrichie de nombreux rebondissements. Fin août 2014, le premier ministre Manuel Valls annonçait différentes mesures pour relancer l'immobilier. Deux d'entre elles s'adressaient aux investisseurs : on transformait la loi Duflot en loi Pinel, et l'on renonçait temporairement à l'encadrement des loyers. En fait, le dispositif n'était pas prêt : les observatoires locaux des loyers, pivots de toute l'organisation,s'installaient peu peu et ne pouvaient rendre leur verdict chiffré. On se souvient que peu de temps avant, les agents immobiliers affichaient leur réticence à fournir leurs propres statistiques aux observatoires. Ils y trouvaient un moyen de pression sur l'épineux dossier du plafonnement des frais de location, autre réforme de la loi Alur (lire notre article du 14/08/2014).
Ainsi, à partir du 1er août prochain chaque quartier de la capitale se verra attribué des loyers de référence. Lors d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail, tout loyer supérieur de 20 % au montant fixé devra être rabaissé. À l’opposé, un loyer inférieur de plus de 30 % pourra être relevé.
Certains représentants de locataires affirment déjà qu'au lieu de réduire les prix, cela ne fera qu’encadrer la hausse. Ils craignent que de nombreux logements loués actuellement au tarif moyen du quartier ne connaissent une rapide augmentation pour atteindre la limite supérieure autorisée. La notion restée vague de complément de loyer justifié par des qualités particulières du logement inquiète également.
Du côté des professionnels de l’immobilier, on appréhende un découragement des investisseurs privés et une baisse de l’offre locative. On prédit un afflux de contentieux : les locataires en place payant un loyer trop élevé pourront en effet entreprendre des démarches pour le faire baisser (lire aussi note article : De nouvelles règles au 1er août).
Selon le Premier ministre, l'encadrement des loyers devait s’appliquer à Paris à titre « expérimental ». La maire de Lille M. Aubry tient également à le mettre en place dans sa ville au cours du second semestre 2015, lorsque l’observatoire des loyers local sera opérationnel. Grenoble et sa banlieue devraient l'instaurer fin 2016. Ces deux villes, volontaires, seront-elles suivies par d'autres ?
Sans doute, puisque le décret du 10 juin 2015 réaffirme le champ d’application établi par la loi Alur : toutes les zones tendues, c’est-à-dire les 28 agglomérations où s’applique la taxe sur les logements vacants (consulter la liste des communes concernées). Le dispositif devrait donc entrer en vigueur de façon progressive en province, au fur et à mesure que :
Le temps que tout se mette en place, nous aurons sans doute déjà un aperçu de l'impact de cet encadrement dans les premières villes concernées. Au vu des résultats, les professionnels choisiront alors entre prendre part à la révolution Alur et appeler au détricotage...