En matière de logement, le gouvernement mettrait-il trop de bonne volonté à légiférer ? La relance de l’immobilier étant une promesse présidentielle, nos hommes et femmes politiques se présentent comme de grands réformateurs friands de déclarations médiatisées. On nous le répète, l’accès au logement est une priorité.
Pourtant, combien d’avancées soit disant significatives marquent actuellement l’arrêt ou pire, ont connu un recul spectaculaire ? Ne parlons pas de l’interdiction des feux de cheminée en Ile-de-France. Quelques jours avant sa mise en application, l’arrêté préfectoral a été balayé d’un geste, qualifié de « ridicule » par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal.
Revenons plutôt sur deux réformes qui se disaient emblématiques mais dont l’envergure se réduit à vue d’œil. Adoptée il y a presque un an, la loi ALUR subit depuis lors un savant détricotage. Quant au projet de loi Macron, il a pour l’instant le pouvoir de faire descendre les corporations dans la rue.
L’article 54 de la loi ALUR impose au vendeur d’un bien immobilier de fournir un certain nombre de documents : diagnostic technique, règlement de copropriété, carnet d’entretien de l’immeuble... L’objectif est de renforcer le droit à l’information de l’acheteur. Mais cette mesure alourdit beaucoup la procédure. Manuel Valls estime même qu’elle représente « un frein inutile à l’accession ». Il souhaite donc simplifier la transaction dès que possible.
Le dispositif d’encadrement des loyers devait s’appliquer dans les 28 agglomérations où la demande de location est nettement plus importante que l’offre. Mais l’opération repose sur la création d’observatoires des loyers locaux, qui sont loin d’être opérationnels. Seul celui de Paris peut actuellement fournir les données servant à fixer un loyer médian. Finalement, l’encadrement des loyers entrera en vigueur cette année, uniquement à Paris et « à titre expérimental ». D’autres agglomérations pourront l’adopter lorsqu’elles seront prêtes.
Présentée comme l’une des mesures phares de la loi ALUR, l’idée d’une Garantie Universelle des Loyers n’a pas duré longtemps. Très vite, elle a été offerte en sacrifice aux professionnels de l’immobilier afin d’apaiser leur colère. Pour se prémunir des impayés, les bailleurs disposent pour l’instant de la GRL (garantie risques locatifs) et de la Caution Locative Étudiante (CLE). L’État travaille également sur une caution solidaire, en partenariat avec Action Logement.
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La loi ALUR connaîtra certainement d’autres ajustements, puisque le projet de loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques », dite loi Macron prévoit de la modifier par ordonnance. Le texte apporte déjà des précisions concernant le bail et les dépôts de garantie ainsi que les congés de locataire lors de la vente du bien.
Dans le cadre de la réforme des professions réglementées, le ministre de l’Economie prévoyait entre autres une nouvelle tarification des actes notariés. Son projet initial a provoqué la bronca des professionnels du droit et lui a même valu des menaces de mort. Après des excuses publiques, Emmanuel Macron a abandonné l’idée d’un corridor tarifaire, encadré par des prix plancher et plafond. Le compromis prend la forme d’un tarif fixe pour les droits de la famille et d’une rémunération à la fois proportionnelle et fixe pour les actes importants et les ventes immobilières élevées.
La décision d’encourager le logement intermédiaire aura-t-elle davantage de succès ? Une ordonnance du 20 février 2014 donne un statut à une notion utilisée depuis déjà longtemps. Le logement intermédiaire s’adresse aux ménages dont les revenus sont trop élevés pour bénéficier d’un logement social, mais trop faibles pour louer dans le parc privé. L’ordonnance prévoit la mise en place d’un zonage et d’un plafond de ressources du locataire. La loi Macron envisage de supprimer ce zonage et d’autoriser les organismes HLM à créer des filiales consacrées à ce type de logement. Toutefois, certains députés socialistes et du Front de gauche s’y opposent. Ils y voient une trop grande incitation à construire des logements pour les revenus moyens, au détriment des plus démunis.
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D’autres décisions, comme la mobilisation du foncier public ou la révision des normes de construction, qui devaient permettre 500 000 nouveaux logements par an tardent à se mettre en place. Ainsi, moins de 300 000 logements ont été réalisés en 2014.
J’imagine qu’il est difficile de jongler entre idéaux, réalisme économique et stratégie politique. Mais tous ces effets d’annonce sans lendemain deviennent contre-productifs. Devant ce manque de clarté dans la législation comme dans la fiscalité de l’immobilier, l’acheteur pourrait différer lui aussi ses projets. Pourtant le nombre de ventes de logements neufs au 4e trimestre est plutôt rassurant. Promoteurs et constructeurs de maisons individuelles applaudissent au retour des investisseurs et prévoient une embellie pour 2015. Heureusement pour nos politiques, le logement est un marché de besoin...
Une réforme solide et pérenne n’est pas uniquement une question de volonté, fut-elle bonne. Il faut avant tout une vision à long terme, où le calendrier électoral n’entre pas en compte. Et pour cela, il faut aussi un peu de courage.