Entretien accordé à Capital.fr le 18/04/2011
Pour Michel Mouillart, professeur d’économie à l’Université Paris-Ouest, le ralentissement du marché immobilier constaté au premier trimestre fait suite aux ventes records enregistrées en fin d’année dernière. Mais les transactions et les tarifs des logements, entretenus par le marché de l’achat-revente, vont continuer à grimper cette année.
Capital.fr : Pour beaucoup de professionnels de l’immobilier le ralentissement de l’activité constaté au premier trimestre est le signe avant-coureur d’un retournement du marché. Partagez-vous cet avis ?
Michel Mouillart : Gare aux conclusions hâtives. Nous constatons chaque année le même tassement. Les gens déménagent moins l’hiver, ce qui impacte naturellement le nombre des transactions. Surtout, après les ventes records enregistrées en fin d’année – de 55 à 60.000 de plus qu’attendues sur le dernier trimestre -, il est logique que le marché marque le pas. La situation n’a donc rien d’alarmante et ceux qui redoutent un krach immobilier s’inquiètent à tort. Au contraire, une nouvelle hausse des prix de 5 et 6% d’ici la fin 2011 est probable.
Capital.fr : Il n’y a donc aucun risque de surchauffe ?
Michel Mouillart : Voilà dix ans que les mêmes experts annoncent sur un effondrement prochain des prix. Mais force est de constater que les prix continuent à progresser année après année. Aujourd’hui, la hausse des valeurs est entretenue par le marché de l’achat-revente. Les propriétaires sont en effet de plus en plus nombreux à se séparer de leurs biens pour acheter plus grand et plus cher. Ce marché, gelé durant la crise, n’a pas fini de se reconstituer. D’ici 2012, les secundo-accédants pourraient représenter près de 50% des transactions comme à la veille du déclenchement de la crise mondiale.
Capital.fr : La remontée des taux d’intérêt ne risque-t-elle pas de bloquer le marché ?
Michel Mouillart : La hausse enclenchée depuis quelques mois devrait ramener les taux à 4% en moyenne d’ici la fin de l’année. Soit le niveau de l’été 2007, lorsque le marché de l’immobilier était en plein boom. Ce renchérissement du coût du crédit n’aura donc pas d’effet négatif majeur sur les transactions. Et ce d’autant que le PTZ + soutient aussi le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Un acheteur, qui emprunte actuellement dispose d’une capacité d’emprunt deux fois plus importante qu’au début des années 90.
Capital.fr : Malgré tout, un nombre croissant de ménages est exclu des grandes villes. La situation est difficilement tenable...
Michel Mouillart : Dans les années 60, la classe ouvrière avait encore les moyens d’acheter à Paris, aujourd’hui les cadres réalisent l’essentiel des transactions. Cette ségrégation a donc toujours existé et va encore s’accentuer. A moins de disposer d’un fort apport personnel, lié à une revente, plus personne ne pourra bientôt acheter dans le centre des grandes métropoles françaises. C’est pratiquement inéluctable.
Propos recueillis par Guillaume Chazouillères
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